Hommage à une famille qui perpétue les traditions

Ce que je vous raconte ici vous révélera mon âge : j’ai eu de l’émotion à entendre, au début de ce mois, une publicité sur les ondes de Radio Métropole, pour un dîner gastronomique au Rond-Point Restaurant.

Ce n’était pas un jeudi, donc pas un jour de métro-rétro (1). L’invitation était pour le mardi 14 avril 2015. Ceci m’a ramenée au bon vieux temps, où tous les matins, Port-au-Princiens et Pétion-Villois entendions à la radio le menu du jour du restaurant le Rond-Point du bicentenaire, suivi de la phrase ne varietur : « dessert, café, à tout à l’heure ».

Cependant, l’invitation pour le 14 avril était différente : elle concernait l’événement le plus raffiné de l’année, avec un menu dégustation à six temps, préparé par le chef, de renommée internationale, Ivan Quevedo. Ce repas serait par ailleurs marié aux grands crus de la maison Moët et Chandon.

Le jour dit, je suis heureuse de pouvoir répondre à cette invitation, accompagnée de mon mari et d’un couple d’amis. En tant qu’Haïtienne, j’éprouve de la fierté à pénétrer dans le superbe Hôtel Kinam, érigé par une famille haïtienne grâce à des capitaux haïtiens, sur la Place Saint-Pierre de Pétion-Ville.

J’aime les traditions et j’apprécie que, pour perpétuer le Rond-Point, restaurant familial inauguré en 1949 par la famille Buteau, lors de l’exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince, les concepteurs du Kinam de Pétion Ville aient tenu à inclure un rond-point dans son aménagement. Ainsi, le restaurant, inauguré dans son nouveau local en 2014, donne vue sur un rond-point, tout comme le faisait le restaurant original qui dut abandonner la zone du bicentenaire malheureusement trop dégradée.

Ce 14 avril, donc, il est beau de ne voir que des bouteilles de Moët et Chandon parfaitement alignées dans la cave vitrée du bar, faisant face à l’escalier et à l’antichambre du restaurant. Le panneau de fond d’une partie de cette cave a été enlevé, afin de permettre à chacun de voir travailler le chef Ivan Quevedo, venu pour l’occasion de Mexico City, à travers la vitre et les bouteilles de champagne.

À notre arrivée, nous sommes chaleureusement accueillis au bar avec une flûte de champagne Moët Impérial. Edline, hôtesse gentille et élégante, nous invite ensuite à rentrer dans la grande salle du restaurant, dont le décor éclectique me séduit  : il offre un mélange de chaises Louis XIV avec des meubles de salon/”lounge » moderne, des lustres classiques luxueux, dotés d’une note de fantaisie grâce à des plumes noires ajustées sur leurs points d’attache au plafond. La pièce compte également des persiennes en bois tout à fait caraïbéennes et placées contre le mur du fond, ce qui permet de tamiser agréablement l’éclairage. Enfin, des miroirs, positionnés sur les murs, sont ornés d’encadrements habillés de céramiques et de plumes de pintades locales. À travers la grande baie vitrée, on voit la Place Saint-Pierre, toujours bien entretenue, au milieu de laquelle trône un énorme panneau d’affichage électronique aux mille coloris qui défilent. Cet élément donne une allure de modernité à Pétion-Ville et me laisse penser que je suis au « Time Square » d’Haïti.

Je reviens à notre dîner. Sitôt assis, le serveur, assigné à notre table, se présente. Il se nomme Zoro et nous confirme qu’il sera à notre service pour la soirée. Dans une des quatre flûtes de champagne placées devant chacun de nous, on nous sert encore du Moët Impérial, icône de la maison Moët et Chandon depuis 1869. On nous verse de l’eau dans les verres adéquats, en prenant la peine de nous présenter, auparavant, un plateau joliment garni de feuilles de menthe, de tranches de concombres, de citron vert et de citron jaune, pour aromatiser l’eau à notre goût.

Le repas est ensuite servi. Un sashimi pour commencer. Puis, suit mon plat préféré : le homard grillé à la Thaïlandaise, accompagné de gnocchis au parmesan rôti et foam de basilic frais. Mon mari, quant à lui, préfère les côtes de bœuf braisées pendant huit heures et accompagnées de purée d’edamame, d’oignons croustillants et de cresson, le tout servi avec du Moët et Chandon rosé. Par contre, les amis, qui nous accompagnaient, ont déclaré que le foie gras poêlé en sauce asiatique et compote de pommes à la vanille, servi avec un champagne gourmand, le Moët et Chandon Nectar Impérial, était, à leur sens, le meilleur plat. Le fait que chacun ait un plat favori différent me permet d’affirmer que tout était délicieux.

Avant de passer au dessert, Monsieur Geoffrey Bouilly, représentant de la maison Moët et Chandon, fait un tour des tables. Il se présente, sollicite notre opinion et nous annonce que le dessert, panna-cotta de vanille du terroir servi avec une biscotte au thé vert et fruits macérés au saké, sera accompagné de Moët et Chandon Ice Impérial, le premier et seul champagne spécialement créé pour être dégusté sur de la glace. Je savoure avec volupté la merveilleuse fraicheur de cette boisson délicate. Je suis heureuse de la découvrir au Rond-Point.

C’est que… ce n’est pas la première chose que le Rond-Point m’aura permis de connaître.

Dès mon jeune âge, mes parents avaient pour habitude d’amener mes sœurs et moi diner au Rond-Point, en fin d’année scolaire. C’était une sortie impatiemment attendue. Elle marquait le début des vacances d’été et c’était le seul repas au restaurant de l’année.  J’avais sept ans, quand, lors de l’un de ces repas, je commandai de la crème glacée pour dessert.

— Quel parfum ? me demande le garçon

À cet âge, je ne connaissais pas beaucoup de parfums. Il ne me fallait surtout pas perdre la face. Heureusement que ce jingle qui passait régulièrement à la Radio me revint en tête à ce moment-là :”Opéra, opéra, a, a, a, a de Coryse Salomé ». Je me tins un peu plus droite sur ma chaise et me retournai pour déclarer avec assurance :

— Opéra de Coryse Salomé.

Je n’ai jamais oublié les rires de toute ma famille. C’est au Rond-Point que j’ai appris qu’on disait parfum pour désigner la saveur d’une crème glacée et je trouve formidable que, cinquante ans plus tard, j’aie pu découvrir encore quelque chose de nouveau au Rond-Point, en l’occurrence, le Moët Ice Impérial, vendu en Haïti par les Établissements Didier Rossard.

 

(1) En Haïti, le jeudi, une des stations de radio les plus écoutées, Radio Métropole, offre une journée d’écoute appelée le « métro-rétro » : il ne passe sur les ondes que les anciens succès des années 60 et 70.